Leçon 14
Claude Michelet
"Les zombies contre-attaquent"
Où l’on apprend à reconnaître un chanteur engagé.Fela Kuti et Egypt 80 en concert au Zénith de Paris, 1984 / Source : Fela Kuti
1977, Lagos. Un nouveau genre musical fait fureur dans la capitale du Nigeria : l’afrobeat. Son pape incontesté s’appelle Fela Kuti, et il vient d’enregistrer la chanson Zombie. Dans un mélange d’anglais et de yoruba, il ne mâche pas ses mots pour comparer les soldats de l’armée nationale à des "zombies" qui obéissent aveuglément aux ordres d’un gouvernement corrompu.
Pour le général Obasanjo, à la tête du pays, c’en est trop ! Le 18 février, il dépêche un millier de militaires afin d’assiéger la résidence du chanteur. La résidence en question est plus qu’une maison : le chanteur l'a autoproclamée libre des lois nigérianes, et la considère comme une véritable zone autonome.
L’attaque est d’une rare violence. L’armée incendie la propriété et jette tous ses habitants en prison. La mère du chanteur, elle-même activiste, est défenestrée et décède quelques semaines plus tard.
Fidèle à sa réputation de chanteur engagé et sulfureux, Fela ne se laisse pas abattre. Comme un pied de nez au gouvernement, il épouse un an plus tard jour pour jour 27 de ses choristes lors d’un grand mariage collectif, pour célébrer de façon retentissante le triste anniversaire de l’attaque.